De quoi parle-t-on ?
D'ordinaire, on ne se réfère pas à un objet au sens stricte de représentation. L'imaginaire qualifie plutôt ce processus de mise en rapport d'un indice avec un sens. C'est même l'impossibilité de s'en tenir à ce qu'on voit qui est l'enjeux en cause ; car chaque fois on extrapole, on interprète pour ne retenir d'une perception qu'un concept : on intellectualise, dit Lurça à propos des dessins d'enfants où s'observe une isolation et fragmentation des choses par les mots qui les désignent.
Ce point nous fait passer à l'image produite, l'icône, où le dessin désigne plus qu'il ne transcrit un objet perçu, passant du réalisme à de la magie. Les dessins qui déforment sont un exemple, qu'ils soient d'humour, apax graphiques, métagraphes ou encore diagrammes lorsque la modification est insensible à celui-là même qui la produit. Ainsi, les Figures de rhétorique de Pierre Fontanier peuvent s'appliquer aux dessins de presse visant à faire accroire et asseoir une opinion. À ceci près que la rhétorique n'est pas en cause mais spécifiquement, l'activité graphique.
Lorsque l'image produite va dans le sens de l'engagement politique, elle se fait affiche, emblème, qu'il s'agisse de faire valoir l'identité de son auteur (insigne) ou ses responsabilités civiques (enseigne). L'image argumente alors, elle cherche à convaincre, à faire reconnaître.
Enfin, l'image compose avec l'interdit en visant une satisfaction. Lelapsus calamiévoqué plus qu'invoqué par Freud fait dire à René Passeron qu'une « in-image »s'est introduite subrepticement dans l'image : « image niée par l'opérateur tout en étant présente dans l'image ». On rejoint ici le stratagème avancé par Jean Gagnepain. Stratagème qui peut porter sur n'importe quel interdit : ainsi l'opérateur peut rendre inconsciemment hommage à ses maîtres, ne sachant plus à qui il doit son style. Le transfert psychanalytique est en cause, plus que le plagiat.
En somme, l'image est déictique, dynamique, schématique, cybernétique. Mais de façons différentes : image perçue, imaginaire, conçue lorsque la représentation la motive, image dynamique lorsqu'il s'agit d'imposer techniquement une représentation, fictive, illusoire ou réelle, image schématique lorsque, emblème, elle est chargée de rendre hommage ou d'afficher une position politique, et enfin image cybernétique lorsqu'elle apporte une aide à la décision, fait valoir ou révèle un projet.
12-05-23